Vous ne saignez plus, vous n’avez plus de douleurs, vous êtes peut-être soulagée, au fond de vous, par la fin de cette souffrance physique et morale ou par la libération de votre corps de cette « mort » qui vous mutilait, vous êtes rentrée à la maison depuis un certain temps, vous êtes dans les bras de votre homme, qui vous cajole

….. et pourtant rien ne va plus….. un énorme sentiment de vide vous envahit, vous êtes tristes, vous pleurez pour un rien, vous avez des insomnies, vous faites des cauchemars, vous vous isolez, et en même temps vous regrettez l’éloignement de vos proches, vous avez des réactions épidermiques, vous en voulez au monde entier, tout en ne sachant pas trop vers qui pointer votre index accusateur, vous ne pouvez plus vous regarder dans le miroir, vous, cet être qui n’a plus, qui n’a pu, qui ne sera………

Personne ne peut comprendre votre douleur, personne ne veut l’entendre……. vous êtes seule au monde, face à vous-même, avec votre douleur !

….. ou, au contraire, vous ne ressentez rien, vous avez envie de passer à autre chose, vous ne supportez plus qu’on vous en parle !

Rassurez-vous, vous êtes normale, tous ces sentiments sont fréquents après une fausse-couche et même, d’une certaine façon, souvent nécessaires à une bonne reconstruction.

Il faut toujours se méfier de l’eau qui dort, et certaines femmes que la douleur n’avait pas affecté au moment où le malheur les avait frappées, peuvent ressentir de profondes souffrances bien des années plus tard. 

Les sentiments post-fausses couches peuvent s’exprimer de manière très différente d’une femme à l’autre, selon la culture, la religion, l’information, le fait qu’elle ait des enfants ou non, le désir de grossesse, la difficulté à tomber enceinte, les antécédents de FC, la manière dont s’est déroulée la FC (si elle a eu lieu de manière spontanée, ou si elle a nécéssité une intevention chirurgicale), l’accompagnement de l’entourage….

On retrouve néanmoins, certains sentiments récurrents et fréquemment observés :
– Un sentiment de profonde culpabilité s’observe chez plus de 50% des femmes.
Une culpabilité vis-à-vis de ce corps qui n’a pas pu assumer la grossesse jusqu’au bout. Certaines femmes éprouvent même de la honte pour ce corps, qu’elles délaissent, ne regardent plus.

D’autres femmes recherchent la culpabilité dans un acte « fautif » qu’elles auraient accompli dans le passé (une IVG qu’elles ont réalisée il y a quelques années, lorsque la vie était différente, que l’enfant n’arrivait pas au bon moment, qu’elles étaient trop jeunes pour assumer leur rôle de mère).

Peut-être qu’une potentielle ambivalence face au désir de grossesse, un micro-doute, profondément enfoui, a-t-il joué un rôle dans ce malheur ? Pourtant, ce doute n’est-il pas présent chez beaucoup de femmes au début de la grossesse, une petite bouée de secours au cas où les choses se passeraient mal, ou bien une simple angoisse face à l’inconnu qui s’ouvre à nous ?

Vous avez continué à fumer, vous ne vous êtes pas assez reposées, vous avez trop travaillé, vous avez fait trop de sport……

Cette culpabilité se manifeste souvent par une auto-punition du couple qui s’isole, se refuse à tout contact social.

Il est souvent difficile de trouver un véritable responsable au malheur qui vous frappe, alors, pourquoi pas vous ?

Les études ont montré qu’une bonne information sur l’origine des FC permettait de réduire ce sentiment de culpabilité qui n’a aucune raison d’être. Il est donc important de se renseigner, d’essayer de comprendre ce qui vous arrive, de demander de bonnes explications au gynécologue. Posez toutes les questions qui vous hantent, elles vous aideront beaucoup dans votre processus de réparation. 

– Un sentiment d’échec s’observe dans près de 70% des cas. Il est d’autant plus important chez les femmes non encore mamans qui se voient refuser laccès à un nouveau statut social, celui de mère.
La colère et la frustration sont également très fréquemment observés. Elles peuvent être dirigées vers ce responsable qu’on n’arrive pas à localiser, l’entourage qui semble « nier » votre souffrance, les femmes qui se font avorter….
La peur, celle d’oublier ce petit être qu’on a si peu connu (contrairement au deuil d’une personne qui a vécu, vous vous retrouvez en l’absence de tout souvenir matériel, ou si peu), mais également celle de ne plus pouvoir enfanter, ou de ne jamais y arriver (pourtant, dans la plupart des cas, ces fausses-couches représentent un accident isolé, et les grossesses suivantes se passent généralement très bien).
– Le sentiment de vide, de tristesse, une fatigue extrême, voire une véritable dépression.

Des études anglaises et françaises ont montré que près de 50% des femmes vivent une dépression sérieuse après une fausse-couche, dans les 3 mois qui suivent celle-ci.

Une augmentation de prise d’anxiolytiques, d’anti-dépresseurs, de vitamines et de toniques est souvent observée dans les suites d’une fausse-couche.

Ceci est d’autant plus fréquent lorsque la femme n’a pas encore d’enfants, lorsqu’il s’agit d’un accident récidivant, lorsque la femme a subi une intervention chirurgicale (par rapport aux femmes ayant fait une FC spontanée à domicile), lorsque la grossesse était plus avancée et que le foetus a pu être observé à l’échographie, lorsque l’entourage n’est pas présent, et lorsqu’il y a eu un manque d’informations et de discussion avec le personnel médical.

Il est donc extrêmement important de dialoguer, de parler avec des personnes de confiance et compétentes. N’ignorez pas votre souffrance, laissez-la sortir. La récupération est d’autant plus rapide que la discussion aura été efficace.

C’est donc un véritable travail de deuil qu’il vous sera donné d’accomplir, le deuil, non pas d’un passé palpable et matérialisé, mais bien celui de tout un avenir à construire ! 

Ce travail peut prendre quelques mois à quelques années en fonction des moyens mis en oeuvre pour le réaliser.

Ne le négligez pas, prenez le temps de vous informer, de rechercher, d’obtenir les réponses à vos questions, d’exprimer votre souffrance et tout votre ressenti.

Il vous sera indispensable pour pouvoir recentrer votre vie et vos désirs et pouvoir réentamer une nouvelle grossesse, de manière plus sereine, tout en ayant à l’esprit et accepté le fait que :
– ce nouvel enfant ne pourra remplacer celui que vous avez perdu
– qu’une récidive reste toujours possible
– que vous risquez de vivre un début de grossesse dans l’angoisse et la peur d’une nouvelle catastrophe. 

Enfin, pour terminer, je vous conseille vivement de lire le magnifique roman de Dominiqe Sigaud-Rouff – « Aimé »

Je prends toujours les bébés des autres dans mes bras, je met mon nez dans leurs cheveux et ils redressent la tête. Mes amies vérifient d’un regard que tout va bien. Mon sourire les rassure. C’est peut-être un peu plus difficile parfois avec les femmes enceintes, et encore, je les aime bien, depuis toujours. Il m’arrive seulement en les regardant de me demander si j’aurais tenu le coup. Question inutile. Je n’ai pas tenu le coup. Il faut se prendre comme on est. Je vais de l’avant. Ce que j’ai perdu est immense. Tu ne pourras plus jamais être là, ces choses là ne se réparent pas, ne peuvent pas être reconstruites, c’est une fois pour toutes. Je me débrouille avec ce qui reste. L’immense regret, mais sans y toucher trop. Le plaisir que tu aies été là. Ce que ta présence a réveillé, les questions qu’elle a ouvertes, ce devant quoi je suis désormais. Les raisons de cette perte. Le courage et la sagesse qui m’ont manqué. La vie que je mène. Ce que je ne lui accorde pas. Ce que je n’accorde pas à ma propre vie.
Tu as fait ça.
J’ai le ventre vide.
Place nette.
Ensuite, je ne sais pas encore

Les fausses couches:
FC précoces: pourquoi nous?
Témoignage: A vous… Nat
Témoignage: Mes enfants inconnus… Ariane